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Guy de Maupassant

Apprentissage avec Flaubert

La mère de Maupassant, Laure, était la sœur d’Alfred Le Poittevin, qui avait été un ami proche de Gustave Flaubert, et elle-même est restée en termes affectueux avec le romancier pour le reste de sa vie. Laure envoie son fils faire la connaissance de Flaubert à Croisset en 1867, et lorsqu’il revient à Paris après la guerre, elle demande à Flaubert de le surveiller. Ce fut le début de l’apprentissage que fut la fabrication de Maupassant l’écrivain. Chaque fois que Flaubert séjournait à Paris, il invitait Maupassant à déjeuner le dimanche, lui donnait des conférences sur le style de la prose et corrigeait ses exercices littéraires de jeunesse. Il lui présente également certains des plus grands écrivains de l’époque, tels que Émile Zola, Ivan Tourgueniev, Edmond Goncourt et Henry James. ” C’est mon disciple et je l’aime comme un fils « , disait Flaubert de Maupassant. C’était une description concise d’une double relation: si Flaubert a été l’inspiration de Maupassant l’écrivain, il a également fourni l’enfant d’un mariage rompu avec un père adoptif. La mort soudaine et inattendue de Flaubert en 1880 fut un coup dur pour Maupassant.

Zola décrit le jeune Maupassant comme un  » formidable rameur capable de ramer cinquante milles sur la Seine en une seule journée pour le plaisir. »Maupassant était un amoureux passionné de la mer et des rivières, ce qui explique le cadre d’une grande partie de sa fiction et la prévalence de l’imagerie nautique. Malgré son manque d’enthousiasme pour la bureaucratie, ses années de fonctionnaire furent les plus heureuses de sa vie. Il consacre une grande partie de son temps libre à la baignade et aux expéditions nautiques sur la Seine. On peut voir dans une histoire comme Mouche (1890; Fly) que ces dernières étaient plus que de simples expéditions en bateau et que les filles qui accompagnaient Maupassant et ses amis étaient généralement des prostituées ou des prostituées potentielles. En effet, il ne fait guère de doute que les premières années à Paris ont été le début de sa promiscuité phénoménale.

Lorsque Maupassant avait 20 ans, il découvrit qu’il souffrait de la syphilis, l’une des maladies les plus effrayantes et les plus répandues de l’époque. Le fait que son frère soit mort à un âge précoce de la même maladie suggère qu’il pourrait avoir été congénital. Maupassant refusa catégoriquement de se soumettre à un traitement, de sorte que la maladie allait jeter une ombre de plus en plus profonde sur ses années de maturité et était accentuée par la neurasthénie, qui avait également touché son frère.

Pendant son apprentissage chez Flaubert, Maupassant publie une ou deux histoires sous un pseudonyme dans d’obscures revues de province. Le tournant intervient en avril 1880, le mois précédant la mort de Flaubert. Maupassant était l’un des six écrivains, dirigés par Zola, qui ont chacun contribué une nouvelle sur la guerre franco-allemande à un volume intitulé Les Soirées de Médan. L’histoire de Maupassant, Boule de suif, n’était pas seulement de loin la meilleure des six, c’est probablement la plus belle histoire qu’il ait jamais écrite. Dans celui-ci, une prostituée voyageant en autocar est traitée avec camaraderie par ses collègues passagers français, qui sont impatients de partager ses provisions de nourriture, mais un officier allemand arrête l’autocar et refuse de le laisser continuer tant qu’il ne l’a pas possédée; les autres passagers l’incitent à le satisfaire, puis l’ostracisent pour le reste du voyage. Boule de suif incarne le style de Maupassant dans son économie et son équilibre.