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Georg Cantor

Théorie des ensembles

Un important échange de lettres avec Richard Dedekind, mathématicien à l’Institut technique de Brunswick, qui était son ami et collègue de toujours, a marqué le début des idées de Cantor sur la théorie des ensembles. Les deux ont convenu qu’un ensemble, qu’il soit fini ou infini, est une collection d’objets (par exemple, les entiers, {0, ±1, ±2,…}) qui partagent une propriété particulière alors que chaque objet conserve sa propre individualité. Mais lorsque Cantor a appliqué le dispositif de la correspondance individuelle (par ex., {a, b, c} à {1, 2, 3}) pour étudier les caractéristiques des ensembles, il a rapidement vu qu’ils différaient dans l’étendue de leur appartenance, même entre les ensembles infinis. (Un ensemble est infini si l’une de ses parties, ou sous-ensembles, a autant d’objets que lui-même.) Sa méthode a rapidement produit des résultats surprenants.

En 1873, Cantor a démontré que les nombres rationnels, bien qu’infinis, sont dénombrables (ou dénumérables) car ils peuvent être placés dans une correspondance un à un avec les nombres naturels (c’est-à-dire les entiers, comme 1, 2, 3,…). Il a montré que l’ensemble (ou agrégat) des nombres réels (composé de nombres irrationnels et rationnels) était infini et incalculable. Plus paradoxalement encore, il a prouvé que l’ensemble de tous les nombres algébriques contient autant de composantes que l’ensemble de tous les entiers et que les nombres transcendantaux (ceux qui ne sont pas algébriques, comme π), qui sont un sous-ensemble des irrationnels, sont innombrables et sont donc plus nombreux que les entiers, qui doivent être conçus comme infinis.

Mais l’article de Cantor, dans lequel il a présenté pour la première fois ces résultats, a été refusé pour publication dans le journal de Crelle par l’un de ses référents, Kronecker, qui s’opposait désormais avec véhémence à son travail. Sur l’intervention de Dedekind, cependant, il a été publié en 1874 sous le titre « Über eine Eigenschaft des Inbegriffes aller reellen algebraischen Zahlen” (« Sur une Propriété Caractéristique de Tous les Nombres Algébriques Réels »).

En lune de miel la même année avec son épouse, Vally Guttman, à Interlaken, en Suisse, Cantor rencontra Dedekind, qui donna une audience sympathique à sa nouvelle théorie. Le salaire de Cantor était faible, mais la succession de son père, décédé en 1863, lui permit de construire une maison pour sa femme et ses cinq enfants. Beaucoup de ses articles ont été publiés en Suède dans la nouvelle revue Acta Mathematica, éditée et fondée par Gösta Mittag-Leffler, l’une des premières personnes à reconnaître ses capacités.

La théorie de Cantor est devenue un tout nouveau sujet de recherche concernant les mathématiques de l’infini (par exemple, une série sans fin, comme 1, 2, 3,… et des ensembles encore plus compliqués), et sa théorie était fortement dépendante du dispositif de la correspondance un à un. En développant ainsi de nouvelles façons de poser des questions sur la continuité et l’infini, Cantor est rapidement devenu controversé. Quand il a soutenu que les nombres infinis avaient une existence réelle, il s’est inspiré de la philosophie ancienne et médiévale concernant l’infini « réel” et « potentiel” et aussi de la formation religieuse précoce que lui ont donnée ses parents. Dans son livre sur les ensembles, Grundlagen einer allgemeinen Mannigfaltigkeitslehre (« Fondements d’une Théorie générale des Agrégats”), Cantor en 1883 a allié sa théorie à la métaphysique platonicienne. En revanche, Kronecker, qui soutenait que seuls les entiers « existent” (« Dieu a fait les entiers, et tout le reste est l’œuvre de l’homme”), a rejeté pendant de nombreuses années son raisonnement et bloqué sa nomination à la faculté de l’Université de Berlin.